Les chiens de feu : les chenets

Le chenet est un ustensile qui placé dans le foyer de cheminée sert à maintenir les bûches et bouts de bois suffisamment élevés pour que l'air puisse s'infiltrer par en dessous et ainsi assurer la combustion. Outre cet aspect purement fonctionnel, le chenet, que l'on nommait autrefois également chiennet, chiénet, chaynet ou encore chien de feu, selon les âges et les régions, constitue également un bel objet décoratif, apportant une touche de caractère à votre cheminée ou pour les modèles les plus prestigieux de véritables objets d'art, dont nous allons aborder en quelques lignes, les traits les plus intéressants.


Le chenet à travers les âges

Si l'on considère l'histoire du mobilier et de la décoration, on trouve les premières informations concernant les chenets parmi les inventaires et comptes de châteaux, notamment royaux. Les premiers exemplaires répertoriés remontent à l'époque de Charles V (1338 - 1380). Ces chenets sont décrits comme étant des pièces ornementales, générales constituées en fer et toujours de fort poids. Les cheminées étant à l'époque très grandes, voire démesurées, les chenets sont réalisés en conséquence d'où leur poids imposant. Sont ainsi mentionnés des chenets, dans les comptes du château de Louvre, en 1368, dont la paire avoisinne les 200 kg.

Au XVIème siècle, le bronze commence à se substituer au fer, les dorures apparaissent et les chenets prennent place dans les intérieurs bourgeois. C'est également à cette époque qu'il est courant de voir ces mêmes chenets terminés à leur sommet par une boule de cuivre ou une ornementation en forme de pomme de pin. Les chenets sont parfois très sophistiqués, avec chaînettes et statuettes très artistiquement réalisées.

C'est également au XVIème siècle que l'on découvre dans les inventaires de grandes maisons des chenets dont toute la partie antérieure est réalisée en cuivre, ces chenets étant assortis à des accessoires de cheminée tels que pinces, tenailles, pelles...

Au XVIIème siècle, les chenets sont très souvent placés "en tête d'inventaire", ce qui est caractéristique de l'importance que l'on donnait alors à ces objets de prestige. Certains sont désormais en argent, on citera en exemple l'inventaire de Mazarin (1653), où l'on retrouve ces chenets d'argent ayant remplacé les précédents modèles en cuivre.

Louis XIV et les chenets d'argent

Les chernets sont régulièment armoirés, c'est-à-dire ornés des armes de leur propriétaire. Tout naturellement, les plus beaux chenets inventoriés seront ceux du château de Versailles sous le reigne de Louis XIV. Fondus et ciselés par les plus grands artistes, on en comptera pas moins de 40 paires, en argent, dont l'ensemble représentait une valeur inestimable et avec des modèles d'une somptuosité dont nous n'avons plus idée de nos jours.

Ces véritables pièces d'orfèvrerie n'ont hélas pas joui d'une longue existence. En effet, le 10 février 1687, Louis XIV interdit, pour les seigneurs de la Cour et les particuliers, la fabrication de chenets en argent. En 1709, il fera également fondre les siens et obligera tous ceux qui en détenaient à les transférer à la Monnaie où ces chenets seront fondus.

Paire de chenets Louis XIV vers 1700

Paire de chenets Louis XIV vers 1700
Source : Source Getty Museum Los Angeles

Les chenets au XVIIIème siècle

Il s'agit de l'époque de chenets Rocaille ou de style Louis XVI. Si l'argent a cédé le pas à des matériaux moins coûteux et moins nobles, les modèles créés n'en sont pas moins des oeuvres d'art de prestige. Ces modèles sont d'ailleurs restés des références en matière d'élégance. Cet élan de luxe sera d'ailleurs moqué par certains comme étant une pratique irréfléchie et blessante vis-à-vis de personnes ne pouvant quant à elles ne serait-ce que se chauffer. Placer des oeuvres d'art fort coûteuse à côté de tisons et de bûches est alors qualifié d'ineptie.

La plupart des ces magnifiques chenets d'époque suivront toutefois le même chemin que celui de leurs illustres prédécesseurs en argent de l'époque de Louis XIV. En effet, les chenets, notamment tous ceux royaux, en bronze, seront fondus au dessein de fabriquer de la monnaie.