La grande histoire du miroir d'ameublement et de décoration

De nombreux poètes, tel Ronsard, et philosophes, qui pour ces derniers étaient d'ailleurs souvent davantage des moralistes, se fendirent en toutes périodes d'objurgations envers le miroir et tout ce qu'il peut symboliser, pour eux en partie responsable du péché de de coquetterie et de l'insensibilité aux autres et au monde qu'il induit. Mais laissons de côté la poésie et la philosphopie pour revenir à ce qui nous intéresse, le miroir en tant que pièce d'ameublement et de décoration.


Le miroir de l'Antiquité aux XVIème siècle

Les Egyptiens semblent être les premiers à faire mention du miroir, les hébreux ensuite témoignent de sa présence, l'Exode y fait abondamment référence, les auteurs grecs le mentionnent aussi dans leurs écrits et en parlent comme d'un meuble très répandu. Les miroirs abondaient également à Rome et faisaient partie de la garniture de toilette de toute femme distinguée. Sénèque fait d'ailleurs mention de miroirs grâce auxquels on pouvait se voir de la tête aux pieds. Le métal que l'on aplanissait et polissait s'offrait tout naturellement pour la confection des premiers miroirs, c'est ainsi que l'or, le bronze, l'argent, le laiton furent employés faisant des miroirs, pour certains, des pièces de grande valeur. L'acier poli furent plus tard très apprécié pour ses qualités de réflexivité mais présentait l'inconvénient d'être sujet à l'oxydation. Ces miroirs en métal continuèrent à être en usage jusqu'au XVIème siècle. On notera qu'au XIVème siècle le commerce des miroirs polis en étain se généralise et devient un commerce important avec un corps de métier parfaitement défini, en particulier à Paris. Les miroirs d'or et d'argent continuent à exister mais restent entre les mains des orfèvres. Ces derniers sont d'ailleurs d'une richesse peu commune avec la présenc de pierres pécieuses et de perles en ornementations.

Miroir à tableau tirant du XVIème siècle

L'avènement des miroirs de verre et de cristal

C'est à partir du XVIème siècle qu'il est fait mention des miroirs en verrerie et cristal. François Ier fût l'un des premiers grands acheteurs de miroirs de cristal. Les historiens s'accordent à considérer qu'il en faisait l'acquisition dans le but d'en faire des cadeaux d'exception. A cette époque déjà, le verre de Venise fait autorité, notamment en ce qui concerne les vases et est tout naturellement mis à contribution pour la fabrication des miroirs. La taille des miroirs semble toutefois encore limitée et disposer d'un miroir en cristal où une femme puisse se mirer des botines au chignon est un souhait qui semble relever de l'impossible. Il faudra attendre la fin du XVIIème siècle pour que ce fantasme puisse devenir réalité. La baronne d'Aulnoy publie en 1680 les aventures de l'infortunée Cendrillon en y racontant que celle-ci dormait au grenier sur une paillasse tandis que ses soeurs, disposaient, chose mirobolente, de miroirs où elles se voyaient de la tête jusqu'aux pieds. Elle ne se doutait pas qu'au XIXème siècle ces miroirs fabuleux se rencontreraient partout y compris sur les portes des armoires de maisons les plus modestes. Bien qu'ils obtinrent des concessions d'exploitation du savoir-faire de leurs homologues italiens de Venise, les ateliers français ne parvinrent pas à l'époque à produire les miroirs nécesssaires d'une façon courante et surtout avec des dimensions suffisantes, le tout à des prix restant beaucoup trop élevés. Les miroirs en cristal de l'époque étaient d'ailleurs des pièces dont la valeur équivalait à celle des plus belles parures de bijoux, c'est-à-dire de véritables fortunes. Louis XIV fit ainsi offrir au roi de Siam cinq miroirs en cristal de roche, cadeau jugé parmi ce qu'il pouvait être de plus somptueux.

Les personnages les plus aristocratiques utilisaient également des miroirs mobiles que tenaient des valets lorsqu'ils s'habillaient ou se déshabillaient. Ce qui était acceptable pour un prince ou un roi était toutefois plus compliqué pour leurs homologues féminines, pour des raisons de délai comme d'intimité. C'est ainsi que naquirent les miroirs sur installés sur des appareils remplissant le même rôle et qui prirent tout naturellement le nom de valets. Les miroirs étaient alors posés sur une table ou accrochés à des supports spéciaux. Avec le temps c'est miroirs à valets deviendront plus communément des miroirs de toilette. Si nous évoquons les miroirs en tant que pièces d'ameublement, il ne faut pas non plus ignorer le rôle important des miroirs dits "de poche", ils relèvent à l'époque plus du domaine de la bijouterie que de la décoration, un phénomène qui a traversé tous les âges, jusqu'à nos jours. On notera qu'à cette époque des expressions très significatives de l'importance donnée au miroir apparaissent, on dira ainsi qu'une femme est à son miroir, ce qui signifie la même chose que de dire qu'elle est à sa toilette. La reine Anne d'Autriche si elle dispose d'une pièce nommée la Chambre du lit, compte également la pièce du miroir où elle se rend pour sa coiffure.

A la fin du XVIème siècle les miroirs de Venise sont de plus en plus grands et fournis à des prix plus accessibles, c'est ainsi que l'utilisation du miroir en guise de d'ornementation murale va prendre son essort. Les riches hôtels, à l'image de l'hôtel de Chevreuse qui revêt ses murs de grands et magnifiques miroirs à l'occasion de la représentation d'un balet en présence de la Reine, s'équipent de somptueuses et grandes pièces, ce qui constitue le début d'une période où les miroirs de luxe et de belles dimensions vont abonder. Au XVIIème siècle les miroirs constituent avec leurs encadrement souvent peints par des artistes renommés l'une des principales passions des belles dames, comme on les nomme alors. Les miroirs devenus ornementaux sont employés en harmonie avec de grands lustres pour créer des effets de galerie et de lumière, Fouquet et Mazarin sont à ce titre connus pour avoir été de grands amateurs de ces mêmes miroirs, au même titre que certaines dames célèbres telles Madame de Sévigné, Madame de Chevreuse, la duchesse de Bouillon ou encore Madame de Lafayette. Mais tous ces amateurs aussi célèbres qu'éclairés qu'ils fussent n'égalaient en rien la richesse et la beauté de miroirs que l'on retrouve listés dans les Inventaires de la Couronne, sous Louis XIV qui en comptait 503. Parmi ces derniers, un certain nombre de ces miroirs étaient à bordure de glace, ce qui a l'époque constituait une coûteuse nouveauté. La description de cette somptueuse collection de miroirs mériterait à elle seule la rédaction d'un ouvrage spécialisé tant il existait d'artistes et de finitions les caractérisant, les plus grands noms avaient participé à la finition de nombre de ces miroirs qui en définitives étaient avant tout des oeuvres d'Art. C'est aussi à cette époque, sous le règle de Louis XIV et sous, il faut le rappeler, l'impulsion de Colbert que la France se dote d'un véritable savoir-faire et d'une forte capacité de réalisation pour les plus belles pièce de cristal et de verre. Le XVIIIème siècle voir la poursuite de cet engouement et les miroirs s'adaptent et suivent les évolutions en matière de mobilier. Le sommet de cadres se cintre, les palmes et rinceaux s'infléchissent, l'ornementation devient plus opulente, le style rococo est né. La période est féconde et d'une élégance rare. En 1742, Louis XV offre au sultant Mahmoud Ier un miroir exceptionnel dont les bordures représentant les attributs de l'Empire Ottoman sont acostés de trophées d'armes et de richesses de la mer.

Miroir de cheminée (fin XVIIème siècle)

Quelques expressions désuettes propres aux miroirs

  • Le miroir ardent : il s'agit de miroirs dont l'objet est la captation de lumière soit dans l'esprit d'en augmenter la diffusion soit dans celui, par exemple, de concentrer les rayons du soleil pour obtenir une élévation de la température que l'on réfléchit sur une zone donnée. Avec un diamètre de presque un mètre, ce miroir expérimental constitue une véritable prouesse technologique pour cette époque.
  • Miroir magique : les miroirs comportaient des gravures qui n'apparaissaient que lorsqu'il était regardé sous un angle précis, ces gravures concernaient essentiellement la représentation de signes cabalistiques et ces miroirs étaient utilisés par ce que l'on nommait "des sorcières", à l'époque.
  • Miroir de deuil : il s'agit de miroirs de poche que les femmes en deuil pouvaient porter à la ceinture, ces  miroirs étaient généralement émaillés ou peints de noir.
  • Miroir de mort : plus étrangement, il s'agissait de modèles de miroirs dont la particularité étaient qu'ils comportaient sur leur fond la représentation d'une tête de mort.